ET AUTRES LEGENDES DE LA REGION BOURGOGNE |
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Dans nos campagnes, de nombreuses traditions ou légendes survivent et font l'objet de fêtes ou de reconstitutions. |
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En Bourgogne, on note un peu partout des textes anciens, des récits racontés de bouche à oreille, qui ont attrait à ''la" Vivre, "le'' Vivre ou "la'' Vouivre. Nous montrerons à la fin de l'article que ces ''monstres'', qui ont fait peur à nos ancêtres, comportent de grandes similitudes. |
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Le dictionnaire ''La littres" donne pour définition de ''Vivre'' : serpent tortueux. Voyons quelques exemples empruntés aux croyances de la région. |
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Elle fait partie des ''contes de bourgogne''. On y cite le cas d'une veuve : Gervaise, austère, froide, qui élève seule son fils : le ''petit Louis''. A chaque quête, elle refuse de donner de l'argent, bien qu'en faisant entretenir ses Vignes, 1a vente du vin soit d'un grand rapport pour elle.
Un jour, en fouillant dans de vieux papiers, elle découvre que le défunt seigneur de Mont Saint-Jean avait légué vignes et trésor à son mari. Mais qu'est donc devenu ce trésor ? Son mari a-t-il eu autrefois peur de la Vouivre, gardienne de celui-ci ?
La Vouivre était une créature, au visage et tronc de femme, avec un corps terminé en queue de poisson...une sorte de sirène vivant sur terre. Installée dans la salle du trésor, elle balayait tous les intrus à grands coups de queue.
Un jour, Gervoise décida, ce que n'avait jamais fait aucun villageois, d'affronter la Vouivre et de se rendre dans la salle du trésor. A la lueur d'une bougie, elle découvrit le coffre, emporta des pièces d'or, mais en ressortant... le petit Louis n'était plus là ! Elle le chercha en vain, catastrophée.
''Malheureuse lui dit une vieille vigneronne, il ne faut jamais pénétrer dans le domaine de 1a Vouivre, elle s'en aperçoit et se venge.
La Vouivre, voyant que Gervaise était devenue moins avare, et distribuait les pièces d'or dérobées aux mendiants, restitua l'enfant. ''Dommage, dit la Vouivre, je l'aurais gardé volontiers, il me tenait compagnie''. Gervaise changea beaucoup plus tard. Elle finit par s'intéresser au sort des pauvres. quant à la Vouivre, elle quitta Mont Saint- Jean pour la banlieue dijonnaise...
Jean, un solide gaillard rentre à la maison après une rude journée de labeur. Personne, en raison de son gabarit, n'ose l'affronter, et il n'a pas son pareil pour tailler la vigne ou couper le bois. En passant devant ''les roches'', il se souvient toujours du conseil de sa grand-mère : ''tu vas voir la Vouivre, elle va t'emmener dans son trou".
En Passant près de 1a falaise, Jean, ce soir-là frissonna. Il entendit retentir un cri strident; est-ce une bête ou une femme ? Il vit devant lui un visage merveilleux, une créature resplendissante, avec de grands yeux en amandes. Sur le front, un diamant bleu, le torse de la belle surmontait une énorme queue couverte d'écaille produisant, en frottant les unes sur les autres, un son mélodieux.
Il dit à la créature ''que veux-tu de moi ?''. Celle-ci tendit sa tête, Jean posa sa main sur le bijou. L'être se transforma alors en une compagne fascinante dont il tomba amoureux et qui l'invita à aller se baigner dans la rivière.
Les deux êtres s'endormirent plus tard. Jean se réveilla seul, plus de trace de l'inconnue, dans sa main brillait la pierre précieuse qui se désintégra, en laissant une trace noirâtre.
On raconte que les personnes qui rencontrent la Vouivre connaissent des moments intenses, mais plus tard, tout s'efface. Les jeunes vignerons, qui sont choisis par l'animal, ne garderont rien de cette passion éphémère.
Elle est à la fois femme et serpent ; elle possède des ailes, elle apparaît couverte d'or et de pierres précieuses, avec un énorme bijou sur son front. Son rôle est de garder jalousement le trésor des Templiers. Son aspect ''physique'' ressemble donc beaucoup à celui de la précédente.
La Vouivre devient cette foi "le'' Vivre. Elle se cache dans les failles des rochers. Le passant imprudent sent son souffle glacé et doit, en plus, éviter la rivière proche qui charge son venin.
C'est une bête apocalyptique, ayant des caractères de serpent et de monstre de la préhistoire. On raconte que ses méfaits ont été innombrables. Elle a dévoré les enfants, affolé la population, semant partout la terreur.
On aurait, paraît-il, essayer de lutter contre elle, par exemple en organisant des battues : toutes les tentatives ont échoué. A chaque combat, elle trouve une parade et dévore ses assaillants.
C'est ainsi qu'on fit appel à un magicien appelé ''Yoata''. Il réussit à envoûter le monstre par le doux son de sa flûte et à le conduire jusqu'au four spécialement construit pour le rôtir. Malheureusement, le magicien, abandonné par la population, connaîtra lui aussi le même sort.
Depuis la tradition se perpétue et â travers tous les siècles, il en reste périodiquement l'organisation d'une fête grandiose
La Vivre animal légendaire dont le nom semble indissociable de celui de Couches reprend corps dans la cité tous les 20 ans au cours d'une manifestation qu'on a coutume d'appeler ici ''cavalcade".
De génération en génération l'histoire de la bête faramine se perpétue à tel point que depuis un siècle les Couchois la remettent en scène périodiquement.
Nous allons ici, nous poser la question des origines à la fois de la légende et des fêtes qui s'y rattachent.
Avant de poursuivre dans les dédales d'une recherche souvent complexe, il convient de rappeler que de nombreuses études ont été et sont encore entreprises par d'éminents spécialistes.
Notre but n'est pas de concurrencer, voire de rivaliser avec ces scientifiques que nous n'avons pas la prétention d'égaler. Il nous a simplement paru intéressant, de faire le point sur ce que nous savons déjà et, ensuite d'omettre quelques hypothèses toutes aussi aléatoires les unes que les autres. Ceci étant précisé, nous espérons que cet exposé donnera matière à réflexions en apportant d'autres éléments à une thèse trop souvent et trop facilement admise.
1) La légende :
En pays couchois, la Vivre est une bête fantastique qui terrée dans son antre des ''Grands Breux", ne sort que pour répandre la terreur et la désolation, détruisant cultures, troupeaux et habitations, elle dévore aussi les humains.
Après plusieurs tentatives demeurées infructueuses, les Couchois décident un jour d'en finir avec le monstre. Sur les conseils du vieux Sapiens, la Vivre sera conduite au son de la flûte enchantée du magicien Yoata à un four où elle sera brûlée. D'abord promenée par les rues de la ville, la Vivre périt comme convenu, par les flammes au grand soulagement des Couchois en fête.
Mais, terrorisés par les cris de la bête qui se meurt, ces derniers oublient le pauvre magicien prisonnier des flammes.
Le ''scenario'' ainsi rappelé nous permet de constater d'ores et déjà plusieurs éléments essentiels :
a) Le décor :
la bête est retranchée au lieu-dit ''Les Grands Breux'' à proximité du hameau de la Creuse, sous le château, dans la vallée de la Vielle, à l'orée d'une forêt.
b) les trois principaux personnages :
La Vivre s'agit d'un animal extraordinaire incarnant le mal.
Sapiens, le vieux sage, représente le savoir et l'expérience.
Yoata le magicien, symbolise le surnaturel la force du pouvoir inexpliqué.
c) L'atmosphère de la scène :
la peur et à la résignation, succède la volonté de vaincre puis à l'ambiance est à l'apaisement et enfin à la joie.
d) La conclusion morale du récit :
ne veut-on pas démontrer par cette histoire que la conjugaison de plusieurs vertus conduit à la réalisation de l'impossible ? La bête semble invincible et pourtant la force de l'union et du savoir, de l'intelligence et de la magie, la foi des hommes dans leur réussite sont les conditions essentielles de la lutte puis de la victoire sur le mal.
2) Rappels historiques
Nous ne pensons pas qu'il soit possible de dissocier la légende d'un contexte historique. Un ou plusieurs faits précis sont certainement en relation directe avec le mythe de la Vivre qui s'est développé au cours des siècles en donnant naissance au conte fantastique. La thèse la plus communément admise est celle de la matérialisation des innombrables malheurs du peuple à une période donnée : le Moyen Age.
Les épidémies, les guerres, les famines supportées par la société occidentale en pleine mutation auraient favorisé la croyance en un pouvoir maléfique révélé par des manifestations terrestres souvent incomprises.
Le manichéisme de 1a religion chrétienne et la survivance de croyances païennes auraient été le moteur de cette explication irrationnelle des événements.
L'étude menée sur le symbolisme des commémorations en France de fêtes semblables à celles de la Vivre où, régulièrement on promène à travers les rues d'une ville la représentation d'une bête fabuleuse, vient étayer cette thèse.
Ce genre de manifestation courante au Moyen-age avait un but déterminé : unir les habitants pour une même cause : la lutte contre les maux communs. Certains en ont même donné une explication plus précise : les villes ayant Obtenu leur franchise, devaient assurer leur propre défense.
L'ennemi qu'il s'agisse des compagnies de brigands ou des armées d'un prince étranger, devait être combattu avec la même ardeur par tous les citadins. Avait-on en France plus qu'ailleurs tiré les leçons de l'Histoire ?
Voulait-on réagir contre le pacifisme des ancêtres qui, en d'autres temps avaient accueilli les envahisseurs avec une trop évidente résignation ?
Ce qui est certain, c'est que tout était mis en Œuvre pour rassembler, pour éviter les divisions souvent synonymes de défaites. (En outre, il a été constaté que dans bien des cas, l'antre de la bête se trouve aux portes de la ville, preuve que l'objet du combat, le danger, vient de l'extérieur !
Pour en revenir au cadre qui nous intéresse, il convient de s'arrêter quelques instants sur des périodes clés de notre histoire locale.
a) Avant l'apparition de l'Homme une terre déjà occupée.
3) L'étymologie :
A partir des éléments qui viennent d'être énoncés, nous nous permettrons de dévoiler le fruit de notre réflexion en formulant plusieurs hypothèses sur les origines de la Vivre de Couches. Certaines d'entre elles ont été révélées au cours du récit qui vient d'être fait.
Nous les rappellerons :
1) La Vivre, incarnation du mal :
( 1 ) Vestre : En France du Nord, le ruisseau qui coule dans. une forêt, puis la forêt humide.
4) Le souvenir de Marguerite :
A l'issu de cet exposé, nous poserons enfin une toute dernière interrogation. Notre travail relevant bien plus de la réflexion que de l'analyse scientifique, elle sera comme le reste, laissée à la libre appréciation du lecteur.
La légende de la Vivre est parvenue jusqu'à nous grâce à la tradition orale, mais aussi et surtout grâce aux fêtes qui sont organisées régulièrement tous les vingt ans depuis un siècle.
Ce qui nous a frappé, à la lecture des documents relatifs aux premières cavalcades, c'est le divorce entre cette légende et le déroulement des festivités. En 1888 et en 1908, le caractère laïc de la manifestation semble mis en évidence. La ville de Couches l'organise au profit des pauvres de la commune. Les personnages omniprésents sont les gendarmes, le garde-champêtre, les pompiers...
Nous nous sommes alors demandé si notre légende (celle lue nous connaissons aujourd'hui) n'avait pas subi, à travers les âges, d'innombrables aménagements. N'a-t-on pas essayé, par exemple à la fin du siècle dernier, en cette période où les forces de progrès anticléricales prenaient le pas sur le conservatisme, de dépouiller le mythe de la Vivre de son caractère religieux ? Il est bien des cas, en effet, où une fête laïque a supplanté une tradition chrétienne. Le Père Noël détrônant Saint-Nicolas en est un bel exemple. Nos réticences évoquées plus haut à propos de Saint-Georges n'auraient, dans cette éventualité plus aucun fondement.
En résumé, nous pensons qu'il serait vain de chercher une seule explication au mythe de la Vivre en pays couchois. Son origine semble se perdre dans la nuit des temps et a dû trouver à travers les siècles d'innombrables occasions de s'adapter. Le fait qu'il survive encore aujourd'hui peut, à tout le moins, surprendre. La réponse nous semble contenue dans cette seule question : les Couchois de 1988 à travers l'organisation d'une fête aux accents moyenâgeux ne seraient-ils pas inconsciemment à la recherche de cette unité si précaire des cités médiévales ?
La Vivre, symbole du rassemblement telle est l'image que nous retiendrons...
Jean-Michel NECTOUX